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Théâtre : Le monologue dialogué de "Looking for Jaurès" ravive l’actualité de la pensée du tribun socialiste

  • Écrit par : Christian Kazandjian

jauresPar Christian Kazandjian - Lagrandeparade.com/ Le monologue dialogué de Looking for Jaurès ravive l’actualité de la pensée du tribun socialiste.

Comédien en quête de personnage

Patrick, acteur, comédien, se débat dans les affres d’un métier où il faut courir après les cachets au théâtre, au cinéma, à la télévision, média où les séries policières ont quasi remplacé toute autre forme de création. Les cauchemars qui le tirent d’un sommeil agité ne font qu’ajouter à sa schizophrénie, quand ce ne sont pas les démarches kafkaïennes d’un statut d’intermittent qui ne cesse d’évoluer vers le pire. Un jour, son double, prétendant être Jaurès, le convainc de l’incarner sur scène. Se noue alors un étonnant et détonnant dialogue où le langage châtié, mâtiné d’accent rocailleux d’Occitanie du tribun se heurte à la gouaille d’un petit gars du peuple. Patrick se pique au jeu de Jean – la familiarité marque le rapprochement- est devient ce comédien « habité par le personnage », prôné par Louis Jouvet. Le leader socialiste prend, petit à petit chair, à travers les discours, les écrits, les anecdotes, les colères.

Une grande figure

On suit le parcours politique de celui qui fut « républicain opportuniste », fidèle à Jules Ferry, antidreyfusard au début de l’Affaire, puis solide défenseur du proscrit, jusqu’à son rôle dans la création de la SFIO. Toute la complexité de l’homme, philosophe, historien, pacifiste et révolutionnaire, défenseur de la classe ouvrière, apparait par touches, dans ses écrits et harangues empreints d’humanisme ou chargés de colère, comme lorsqu’il dénonce le massacre des Arméniens de l’empire ottoman, et la frilosité et le désintérêt des Etats européens.
Le théâtre contemporain s’est toujours emparé de grandes figures du passé, sélectionnées pour leur œuvre guerrière, scientifique, politique, artistique. Le choix de Jean Jaurès est, on ne peut plus, judicieux, en cette période de basculement des équilibres mondiaux générant toujours plus de violences, de repli identitaire, de corruption des mots et de la pensée.

Une pensée forte

Représenter un géant, un monstre de la politique présente le défi majeur d’éviter l’édulcoration du propos, et la tentation de la caricature. Marie Sauvaneix qui met en scène s’appuie sur un formidable comédien, Patrick Bonnel avec lequel elle a écrit la pièce. La confrontation de deux existences aussi éloignées permet, par le biais de l’humour, du caractère improbable de la rencontre, d’introduire, sur la scène théâtrale, des propos politiques, qui, sans cela, courraient le risque d’apparaitre arides, voire barbants. Le parti pris, ici, évite ainsi le piège. Il donne à entendre une des voix, des pensées parmi les plus fortes que nos cultures ont forgées. Plus d’un siècle ont passé et la vision de celui qui fonda le journal L’Humanité en 1904, reste d’une prégnante actualité. Le choix de terminer le spectacle, non sur l’assassinat de leader socialiste, le 31 juillet 1914, quelques jours avant la guerre qui dénonçait (« Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage »,écrivit-il) mais sur son Discours à la Jeunesse, de 1903, un appel où il affirme : « Le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire ; c’est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe, et de ne pas faire écho, de notre âme, de notre bouche et de nos mains aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques. »

jayres Un beau et bon spectacle où la réflexion n’exclut pas l’humour et l’émotion.

Looking for Jaurès
Auteurs : Marie Sauvaneix et Patrick Bonnel
Metteure en scène : Marie Sauvaneix 
Avec Patrick Bonnel 

Dates et lieux des représentations : 
- Jusq'au 2 avril 2024 au Théâtre Essaïon, Paris 4e (01.42.78.46.42.) les lundis et mardis.


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