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Les bacchantes : Sara Llorca, armée de son micro-thyrse, ménade-coryphée envoûtante

les bacchantesPar Julie Cadilhac - Lagrandeparade.fr/ « Viens Dionysos, viens »…la voix envoûtante au grain rocailleux de Sara Llorca accroche immédiatement l’oreille du spectateur, séduit de bout en bout par la partition sonore qui s’exécute en live.

Ménade-coryphée, armée de son micro-thyrse, son corps revêt la transe et l’hybris grecque qui va emporter les protagonistes de l’histoire. Dans une tonalité très rock, c’est d'abord l’incantation de la naissance qui se raconte, de ce dieu étrange (que l’on appelle Bacchus dans la mythologie romaine), qui ne vit pas sur l’Olympe - même s’il est sorti de la cuisse de Jupiter - parce qu’il est le fils d’une mortelle et qu’il a des comptes à rendre avec certains membres de sa famille. « L’étranger aux allures de femme » enlève, drogue et mystifie les femmes de la cité qui laissent leurs instincts se déployer jusqu’à l’animalité la plus déraisonnable…Le roi Penthée n’honore pas son culte comme il le devrait ; il faut qu'il soit puni! « Thèbes est tiraillé entre les détracteurs et ceux qui le suivent. » Le sage Tirésias et Cadmos, le père de la défunte Sémélé, savent qu’il faut craindre les dieux et ont choisi de reconnaître le caractère divin de Dionysos mais Penthée, du haut de sa fougueuse jeunesse et de son désir de tout contrôler, refuse l’idée de cet être vagabond qui ne lui inspire rien de bon…Pourtant les signes sont là, dans les miracles que l’étranger accomplit : dans sa prison, « les liens se sont défaits; les verrous se sont ouverts. »

[bt_quote style="default" width="0"]La parole intelligente paraît bête à l’ignorant.[/bt_quote]

Et, comme dans toute tragédie antique qui se respecte, les dieux prennent soin des réveils douloureux…Rester insouciant dans la folie, ce serait trop facile…Chez les grecs, la lucidité saisit au retour des pires atrocités et il ne reste que les pleurs des femmes sur le corps des enfants sacrifiés…

[bt_quote style="default" width="0"] Ne m’enchaînez pas. C’est moi le sage et vous les fous.[/bt_quote]
Créée en 405 avant J. C, "Les Bacchantes" ne manque pas d’aborder des thèmes qui font écho à notre actualité : un fanatisme envers un dieu qui rend aveugle et déchaîne la violence, la religion comme enjeu de conformisme social, la difficulté à s’ouvrir à la nouveauté et à l’autre. Anne Alvaro incarne ici le dieu vengeur : « j’agirai travesti sous les traits d’un étranger. » et l’on avoue qu’entourée de trois acteurs porteurs d’une belle énergie vigoureuse, son allure un brin apathique dans ce rôle détone ( elle en joue cependant d’autres dans la pièce où elle convainc pleinement); l’on aurait été séduit davantage par un personnage charismatique, aux yeux brillants et joueurs, au corps brûlant de jeunesse…

On salue le choix d’une scénographie épurée où se positionnent ça et là quelques accessoires symboliques, comme la grappe de raisin dont chacun se saisit par gourmandise, revendication ou déjà désir d'un enivrement espéré. Un peu de terre éparse, une lumière en clair-obscur et du rouge sang aussi. Rien de trop. Applaudissons en outre l’adaptation de ce texte exigeant qui s’avère audible et compréhensible ; les parenthèses chantées sont toutes pertinentes car elles reprennent en refrain des idées fortes du texte, comme le faisait dans l’antiquité le choeur. « Innombrables sont les espérances. » « En quoi consiste la sagesse? » 

La descente aux enfers finale reste en mémoire; la « bienheureuse Agavé », bacchante déchaînée, tenant dans sa main la tête de son fils comme un trophée, bouleverse. Euripide rappelait ainsi à ses contemporains qu’il faut craindre les dieux…le spectateur d’aujourd’hui y entendra les conséquences de l’orgueil, de l’intolérance et de la tyrannie…

[bt_quote style="default" width="0"]Même en plein jour on découvre des choses malhonnêtes.[/bt_quote]

LES BACCHANTES
d'Euripide, d'après la traduction de Jean et Mayotte Bollack, adapté par Sara Llorca avec Henri Berguin
Mise en scène : Sara Llorca, artiste associée à La Manufacture - Centre dramatique national Nancy Lorrain
Avec Anne Alvaro, Ulrich N'Toyo, Jocelyn Lagarrigue, Sara Llorca, Benoît Lugué, Martin Wangermée
Accompagnement à la réécriture : Charlotte Farcet
Dramaturgie : Guillaume Clayssen
Assistante à la mise en scène : Lou Henry
Chorégraphie : Thierry Thieû Niang
Collaboration artistique chœurs : Kên Higelin
Scénographie : Mathieu Lorry-Dupuy
Lumière : Léo Thévenon
Costumes et accessoires : Mariette Niquet-Rioux
Musique : Benoît Lugué et Martin Wangermée
Son : Axel Pfirrmann (Studio Sextan - La Fonderie)
Régie générale et plateau : Julie Roëls
Production :  Hasard Objectif
Coproduction : Théâtre 71 – scène nationale de Malakoff, La Manufacture - CDN de Nancy Lorraine, La Halle aux grains – scène nationale de Blois, La Filature - scène nationale de Mulhouse et Théâtre Montansier / Versailles et.
Avec l’aide à la production de la DRAC Île-de-France et le soutien d'ARCADI Ile-de-France et de la SPEDIDAM.
Remerciements Charles Vitez, DeLaVallet Bidiefono, Dieudonné Niangouna et Faustine Boissery
avec la participation artistique du Jeune Théâtre National

Dates et lieux des représentations: 

- Le samedi 20 janvier 2018 au théâtre Jacques Coeur - Lattes ( 34)
- Le 6 février 2018 à Narbonne - Théâtre+Cinéma - Tel. +33 (0)4 68 90 90 20

- Du 23 au 27 janvier 2018 au Théâtre Olympia - Centre dramatique national de Tours 
- Du 30 janvier au 1er février 2018 à La Filature Scène nationale de Mulhouse - 

- Le 8 février 2018 à Colombes - L'Avant Seine / Théâtre de Colombes - Tel. +33 (0)1 56 05 00 76

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