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Probablement les Bahamas » : fissures dans l’illusion quotidienne

probalement les bahamasPar Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / Dans ce qui ressemble à un cottage de banlieue londonienne dans les années 1960, un couple de retraités reçoit un « invité ». Il s’appelle Frank ; elle, Milly. Il y a aussi une jeune fille au pair, Marijka. Le bavardage va sur le ton léger, ordinaire, il et elle enchaînent les banalités, comme s’ils voulaient prouver à « l’invité » que leur vie est pleine, dense et riche, que le bonheur est leur quotidien. Au fil de la conversation, le ton va changer. Pas de violence, on est là plutôt dans l’art et la maîtrise du fleuret moucheté : à l’énoncé des lieux communs et autres banalités, Frank et surtout Milly pratiquent aussi l’ironie. Elle rêve de voyages, de villa avec piscine (comme celle de son fils) ; il prend plaisir à tailler les fleurs de leur jardin… Ils s’accrochent, comme ça, l’air de rien, sur un voyage aux Bahamas, il est sûr qu’il n’a pas eu lieu, elle est convaincue du contraire. Et tous deux se persuadent que, s’il y a danger, il est à l’extérieur. Mais, en fait, le danger, la menace est peut-être là, dans leur cottage, en la personne de cette jeune fille au pair, belle et grande Hollandaise en short ultra-court ? La présence de Marijka, inévitablement, va fissurer le joli vernis qui entretient l’illusion quotidienne de Frank et Milly…

Pas de doute, avec « Probablement les Bahamas », on est bien chez Martin Crimp, le dramaturge britannique âgé de 61 ans et qui revendique haut et fort les influences d’Eugène Ionesco et de Samuel Beckett. Avec cette pièce écrite initialement en 1987 pour la radio, l’auteur déroule une « comédie de menace », une « pièce de conversation » qui, sous apparence de légèreté et de banalité, est emplie d’ironie, d’inquiétude, de fatalité et quasiment de désespoir. Certes, on retrouve là le défaut des qualités du théâtre de Martin Crimp : vite, on se doute bien que les mots de Frank et Milly et la banalité de leur quotidien ne sont que prétexte à la satire. Mais tout cela est sauvé par la mise en scène aussi sobre qu’intelligente d’Anne-Marie Lazarini, servie par un décor astucieux de Dominique Bourde et François Cabanat qui ont imaginé une maison sans cloisons. Ainsi, le spectateur voit chacune des pièces, simultanément. Explication d’Anne-Marie Lazarini : « Cela me permet de mettre en scène tout le monde tout le temps, de créer un travail et un dessin dans l'espace parallèlement à l'écriture, tout en veillant à ce que le texte reste toujours premier et moteur de l'action ». Et puis, dans le rôle de Milly, il y a la grande Catherine Salviat, sociétaire honoraire de la Comédie-Française qui propose une interprétation toute en élégance ironique et faussement décalée.

Probablement les Bahamas de Martin Crimp
Mise en scène : Anne-Marie Lazarini
Avec Catherine Salviat (sociétaire honoraire de la Comédie-Française), Jacques Bondoux, Heidi-Eva Clavier et « l’invité ».
Durée : environ 1h10.

Dates et lieux des réprésentations: 
- Jusqu' au 16 janvier 2018. Lundi 8 janvier : 20h30. Mardi : 20h. Mercredi et jeudi : 19h. Vendredi : 20h30 (sauf 12 janvier). Samedi : 18h et 21h. Dimanche 31 décembre : 19h. Dimanche 7 et 14 janvier : 16h. à Artistic Théâtre (45 rue Richard-Lenoir, 75 011 Paris)  - Tél. : 01 43 56 38 32 - www.artistic-athevains.com

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