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La Peau d’Elisa : la femme qui mange des mots d’amour…

la peau d'elisaPar Guillaume Chérel - Lagrandeparade.fr/ Au commencement il y avait un texte de l’écrivaine québécoise Carole Fréchette, "La peau d’Elisa", publié en 1998 chez Actes-Sud. L’idée lui est venue dans un train pour la Belgique. Une femme seule, de chair, d’os et de sang, se livre à un étrange rituel. Elle raconte des histoires d’amour. Des histoires vraies, racontées par des amies et des amies d’amies, qui sont arrivées dans des lieux précis d’une ville précise.

Elle insiste avec minutie sur tous les détails intimes (c’est un jeune-homme qui lui a dit de procéder ainsi). Le cœur qui bat, les mains moites, le souffle court, la peau qui frémit sous les doigts. Tour à tour, elle évoque le souvenir de Sigfried, « qui était fou », de Jan « qui voulait tout et tout de suite », d’Edmond « qui l’attendait sous les arbres l’après-midi » et aussi de Ginette « qui était boulotte » et d’Anna « qui lui a dit les choses qu’on rêve d’entendre… ». Qui est-elle, cette femme au passé multiple et pourquoi raconte-t-elle tout cela ? Elle parle avec fébrilité, comme si elle était en danger, comme si son cœur, sa vie, sa peau en dépendaient. Peu à peu, à travers ses récits, elle révèle ce qui la pousse à raconter et livre le secret insensé qu’un jeune homme lui a confié, un jour, dans un café : « Je suis la jupe qui colle à la peau, je suis la peau sous la jupe, je suis la bretelle qui glisse sur l'épaule, je suis l'épaule soyeuse sous le coton, je suis les cheveux fous sur la nuque, je suis la nuque sous les doigts d'un homme ».
Vingt ans après, une comédienne française, Mama Prassinos, se réveille un matin, elle vient d’avoir 45 ans et se sent invisible. Elle lit ce texte de Carole Fréchette qui la transperce comme… une fléchette ! Un texte qui disait parfaitement ce qu’elle ressentait : ce sentiment de solitude et d’invisibilité. La peur de mourir, peut-être. Or, elle avait envie de vivre et d’avoir encore du désir, Mama Prassinos, et d’être désirée, sans doute, dans son métier et sa vie privée de femme. Alors, elle a tout mis en œuvre pour adapter ce texte, à fleur de peau, au théâtre. Et la voilà, après un passage à Avignon, à la Manufacture des Abbesses, face au public parisien, seule avec les mots d’une autre, dont elle a fait les siens. Elle les dit comme elle les ressent, comme si elle jouait la sienne, de peau, sur le plateau, dans le rôle d’Elisa.
L’actrice regarde les spectateurs qu’elle interpelle souvent, un peu comme dans un one-woman show. On aimerait bien lui répondre, à Mama/Elisa, mais on ne peut pas. C’est le jeu. Ah ! si, un jeune-homme (Julien Lecannelier), surgit du fond de la scène (décor épuré au maximum, sur fond de miroir qui reflète le public) et lui répond. Tout en lui demandant de l’écouter, lui aussi, car il a aussi envie de parler de son amour perdu. Au début, on croit qu’il est comme elle, un peu dérangé (ça rend dingue l’amour !), qu’il soliloque, mais il finit par lui chuchoter des mots dans l’oreille. Il a belle présence et est plutôt bienveillant. Alors elle l’écoute, Lisa / Mama. C’est ce qu’elle voulait, qu’on l’écoute et la comprenne. Qu’on comprenne ce qu’elle ressent. Et pour ça il n’y a que les mots… Mission accomplie. Message reçu. Mama Prassinos et Carole Fréchette nous demandent de les aimer. Elles nous l’ont bien fait sentir. Jusqu’à les avoir dans la peau ?

La Peau d’Elisa
Texte: Carole Fréchette
Un spectacle de Mama Prassinos
Avec Mama Prassinos et Julien Lecannelier

Dates et lieux des représentations : 
- DU 03/01/18 AU 24/02/18  -  MANUFACTURE DES ABBESSES  -  PARIS 18 ( Manufacture des Abbesses. Réservation 01 42 33 42 03 / Manufacturedesabbesses.com

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