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Mother : une métaphore christique troublante sur la création littéraire

  • Écrit par : Julie Cadilhac

motherPar Julie Cadihac - Lagrandeparade.fr/ Le pitch est simple : un auteur à succès vit avec sa femme (de vingt ans sa cadette) dans une maison isolée, au coeur d’une clairière entourée d’une vaste étendue de forêts. Un jour, leur quotidien est perturbé par l’arrivée imprévue d’un couple d'inconnus qui s’invite chez eux. La jeune épouse, qui retape toute seule la maison de son mari qui avait brûlé quelques temps auparavant, n’apprécie pas cette intrusion dans le cocon douillet qu’elle oeuvre à créer pour son couple.

Darren Aronofsky construit son film en deux parties : un huit-clos, d’abord, où l’on retrouve tous les topoi du genre. Frissons garantis. Le plancher grince, les portes s’ouvrent et se referment mystérieusement, les pouls battent la chamade et l’on ne sait trop penser de la nature des motivations qui poussent les deux personnages incarnés à la perfection par Ed Harris et Michelle Pfeiffer à s’imposer au sein de ce ménage. La seconde partie justifie le titre du film puisque la jeune épouse est enfin enceinte, après des mois d’attente et d’espoirs déçus. De la gestation heureuse à l’accouchement terrifiant, le réalisateur décline à l’envi une métaphore christique pour raconter les mystères de la création artistique. Les sept péchés capitaux s’invitent, la noirceur du monde est convoqué dans des tableaux apocalyptiques d’une grande violence ( guerre des tranchées, camps, manifestations etc.) et cette « Mother » se concrétise en une Marie voyant son fils sacrifié à l’Homme par son père. Troublante et cynique portrait évolutif de la création littéraire, l’on assiste à toutes les étapes de ce long chemin de croix. De l’inspiration qui tarde à s’inviter et à laquelle on cherche des dérivatifs ( s’enivrer des mots d’admiration des fans de ces précédentes oeuvres par exemple) à l’arrivée providentielle d’une idée, des premiers succès face à des lecteurs respectueux et imprégnés de l’oeuvre à l’augmentation progressive de ces derniers, et l’intimité bafouée peu à peu par l’intrusion progressive de la presse, des réalités éditoriales et des fans qui forcent les portes, l’adulation maniaque enfin d’un lectorat de masse qui consomme, dévore littéralement le produit vendu jusqu’au sacrifice ultime de l’oeuvre qui se dénature... « Mother » raconte tout cela et mérite des applaudissements pour la pertinence de sa métaphore filée.

Jennifer Lawrence et Javier Bardem incarnent avec justesse ce couple allégorique et l’on ne peut que rester admiratif devant la qualité de l’image et l'impact des plans choisis. La violence intrinsèque de nombreuses scènes et la tension permanente ménagée font cependant de « Mother » un film que l’on est satisfait d’avoir vu mais dont on regrette peut-être l’excès d’effets et de références qui provoque une sensation de trop plein…mais pouvait-on l’éviter? Comment, en effet, transcrire cette frénésie du succès jusqu’au sacrifice de la muse et de l’oeuvre sinon par une explosion tonitruante? Dans cette maison qui se désagrège, cloison après cloison, jusqu’à l’immolation finale, c’est le mystère de la création qui se joue...On en ressort un peu sonné mais amusé aussi par le clin d'oeil cynique final qui fait de l'auteur un phénix ne cessant de renaître, pour le plus grand enchantement du public...les muses étant une matière remplaçable à loisir. 

Mother
Date de sortie : 13 septembre 2017
Durée : 2h 02min
Réalisateur : Darren Aronofsky
Avec Jennifer Lawrence, Javier Bardem, Ed Harris, Michelle Pfeiffer, Brian Gleeson, Domhnall Gleeson, Kristen Wiig, Jovan Adepo
Production : Protozoa Pictures
Distributeur France : Paramount Pictures France
Interdit aux moins de 12 ans

Découvert en avant-première le 11 septembre 2017 au Cinéma Diagonal ( Montpellier - 34)

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