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Dans ce jardin qu’on aimait : Pascal Quignard, la musique et l’amour…

  • Écrit par : Serge Bressan

Pascal QuignardPar Serge Bressan -  Lagrandeparade.fr / Grand maître d’écriture, depuis bientôt cinquante ans, Pascal Quignard glisse régulièrement un livre dans les rayons des librairies. Tantôt roman, tantôt essai, voire recueil de poésie, contes, nouvelles… En 1991, il a connu le succès quand son roman, « Tous les matins du monde », a été adapté au cinéma par Alain Corneau. En 2002, il a reçu le prix Goncourt pour « Les Ombres errantes », tome 1 de « Dernier Royaume ».

A 69 ans, Pascal Quignard est toujours là, cultive toujours l’art de la discrétion… et l’excellence littéraire. A preuve : son nouveau et enthousiasmant texte, « Dans ce jardin qu’on aimait ». Là encore, comme dans « Tous les matins du monde », l’auteur (nous) rappelle, avec l’écriture ou le jardinage, une de ses passions : la musique. Et c’est ainsi qu’il a décidé d’évoquer le destin étonnant du révérend pasteur Simeon Pease Cheney, compositeur, ornithologue et auteur d’un unique livre : « Wood Notes Wild, Notations of Bird Music » (Boston, 1892). Ce révérend « pour lequel, écrit Quignard en préambule, me portait une sorte de vénération en raison de son attachement extraordinaire aux oiseaux. Pour la beauté de la nature cet homme d’Eglise avait délaissé Dieu. Il avait répondu à l’appel des chants de la forêt et des vagues des onze lacs glaciaires qui entouraient sa maison et qui formaient comme deux mains étranges »…

Simeon Pease Cheney a vécu à Geneseo, à proximité du port de New York, à la même époque que les sœurs Brontë et l’invention du saxophone. Cheney était révérend mais aussi compositeur et ornithologue. Les membres de la paroisse lui reprochaient souvent de se consacrer plus à la nature et aux oiseaux plus qu’à Dieu. Mais voilà, Cheney a passé sa vie à noter le chant des oiseaux, celui de l’eau qui coule dans l’arrosoir ou encore le son particulier que faisait le portemanteau du corridor quand le vent s’engouffrait dans les trench-coats et les pèlerines l’hiver… Sa femme qu’il aimait, qu’il chérissait est morte à 24 ans en donnant naissance à leur enfant- le révérend ne s’en remettra jamais, passera du temps encore et encore dans ce jardin que sa femme Eva entretenait avec bonheur, dans ce jardin qu’on aimait. Son cahier de notes dans lequel il consignait sa traduction des chants de la nature, Cheney ne réussira jamais à le faire publier- son fils (dans la vraie vie), sa fille Rosemund (dans le livre de Pascal Quignard) l’éditera à compte d’auteur après sa mort. Et quelques années plus tard, ce livre éblouira le compositeur Anton Dvorák et lui inspirera, en 1893, le « Quatuor à cordes n° 12 ».
Avec l’application d’un moine copiste, Pascal Quignard a écrit, une nouvelle fois, un texte de haute volée. Texte très réussi, « Dans ce jardin qu’on aimait » tient de la fiction, du roman, de la poésie, du théâtre- et même de ce théâtre nô que l’auteur apprécie tant. Du roman d’amour, comme le confie l’auteur : « J’ai été ensorcelé par cet étrange presbytère tout à coup devenu sonore, et je me suis mis à être heureux dans ce jardin obsédé par l’amour que cet homme portait à sa femme disparue ». Avec une écriture d’une simplicité étincelante et une construction d’une évidence poétique, Pascal Quignard a dit en mots la musique originelle et l’amour éternel. A coup sûr, un des grands et indispensables livres de l’année, voire de la décennie…

Dans ce jardin qu’on aimait
Auteur : Pascal Quignard
Editions : Grasset
Parution : 3 mai 2017
Prix : 17,50 euros


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