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Hugues Royer : le bouleversant parcours du combattant d’un homme face au cancer

  • Écrit par : Guillaume Chérel

michalonPar Guillaume Chérel - Lagrandeparade.fr/ Hugues Royer est un drôle de zèbre. Né à « la campagne », comme on disait avant, il fut prof de philo avant de tourner casaque et de « monter à Paris » pour embrasser la carrière de journaliste « people ». Laissant libre cours à ses penchants de midinette - il est l’auteur de biographies de chanteuses comme Mylène Farmer (sa grande passion), Vanessa Paradis, mais aussi Cabrel – il est fasciné par la célébrité.  Au point de lui avoir consacré un livre (« La vie sitcom », Verticales 2001) mais aussi un récit poignant sur l’accompagnement vers la mort de son père chéri « Je reviens bientôt » (Michalon 2011). Une mort dont il est persuadé qu’elle est la cause, du moins responsable, de l’apparition d’un cancer qu’il a développé (sur l’os d’une jambe, dont il est si fier) récemment sans s’en rendre compte (il croyait à une douleur musculaire).

« Je n’imagine pas un monde sans toi », phrase reprise d’un dialogue avec sa psy, est le journal de bord des premiers mois qui vont l’amputer (littéralement) d’une partie de lui-même (on lui placera une prothèse à la place du fémur touché). Un livre fort car écrit avec sincérité. L’auteur n’hésite pas à dire sa peur(1), et qu’il en pleure, laissant s’exprimer ainsi sa part féminine, dirait-on. C’est aussi une radiographie implacable du système hospitalier et médical français, remis en cause en ce moment pour des raisons bassement économiques. Il y a aussi des passages drôles, volontairement ou non. Ainsi, notre parisien s’échine-t-il a réussir son emménagement dans un bel appartement alors que sa vie est en jeu. Il pourrait relativiser mais continue à s’arrêter à des détails. Par contre, il n’hésite pas à avouer ses faiblesses (autorité parentale défaillante, gentillesse confinant à la naïveté, crises de colère puériles, etc….).

Reprenons les faits. Eté 2015. Juste avant de partir en vacances, Hugues Royer, journaliste à « Voici », apprend qu'une tumeur rare et méchante lui ronge le fémur gauche. Opéré en urgence, il est équipé d'une prothèse massive qui l'immobilise. Sa vie bascule. Non seulement il a peur de mourir, de ne pas voir ses jumelles grandir, mais il souffre. Une erreur médicale l’oblige à repasser sur le billard une deuxième fois en 48 h et sa rééducation est longue et laborieuse. L'écriture devient la seule activité qu'il puisse livrer sans se sentir diminué. Un moyen d'exorciser ses peurs, d'apprivoiser la patience, de reprendre espoir aussi. « Je n'imagine pas un monde sans toi », lui souffle un jour une de ses amies. Porté par l'amour de sa compagne et de ses filles, il tente de comprendre l'inconcevable et de réapprendre à marcher : « Il y a un an, j'ai commencé l'écriture d'un roman. J'attendais l'été pour m'y atteler de nouveau. La réalité m'a rattrapé. Aucune fiction ne peut être plus forte que le cauchemar qui a démarré le 5 juin dernier. Aucun projet n'est plus urgent que la tenue de ce journal. Pour moi, qui écris d'ordinaire la fin de chaque livre dans la foulée du début, le suspense est total. J'ignore comment tout ça va finir. Moi, face à la maladie. Lequel des deux sera le plus malin ? ».

Ce livre est un récit poignant car il y a du suspense. Il raconte le parcours du combattant d’un homme quasi lambda qui voit sa vie bouleversée par la maladie. Et ce n’est pas étonnant si « Le Magazine de la santé », animé par Michel Cymes sur la 5, s’est intéressée à lui. Il témoigne de tous les pièges (recours aux gourous, à la tentation de la médecine paramédicale ou des médicaments mal prescrits) et les différents niveaux d’états d’esprit traversés par le « patient »… impatient de savoir, et d’y croire. On ne rigole plus quand on apprend que son fémur peut se briser à tout moment car il contient un « chondrosarcome dédifférencié ». C’est à dire une tumeur cancéreuse rare mais particulièrement vicieuse. Les chances de rémissions sont faibles d’autant que ses poumons peuvent être atteints, d’où l’obligation de contrôles réguliers. Il y a de quoi flipper… Hugues Royer nous raconte quasiment tout par le menu : son opération, sa rééducation, l’humanité (mais aussi la légèreté) du chirurgien qui lui pose une prothèse, l’empathie de certaines infirmières, le soutien de son épouse, le changement de rapports qu’il a avec ses deux filles jumelles, et surtout et avant tout, sa force, sa volonté de vivre avec les angoisses qui le parcourent, ses moments de lassitude, sa peur de la mort et les larmes qui coulent. C’est ce qui est émouvant. Hugues Royer est un homme, un père de famille, un mari aimant, et très pieux, qui se met à nu. Ce récit en forme de journal est un prolongement de sa psychanalyse en « direct-live ». Reste un brulant besoin d’écrire, car lorsqu’il écrit il est en vie.

Je n’imagine pas un monde sans toi , de Hugues Royer, 225 p, 17 €, Michalon.

(1) : à propos, sur le sujet, nous recommandons aussi le livre de Valérie Sugg, psycho-oncologue : « Cancer : sans tabou ni trompette »: « Pourquoi moi ? Pourquoi ce cancer ? Pourquoi maintenant ? Ces questions reviennent parfois en boucle. Tous les plans vont être envisagés, tout ce qui est imaginable même si ce n’est pas toujours la raison qui l’emporte. Vous devenez architecte de votre intériorité et tirez des plans sur la comète ! Tout va vous passer par la tête ou presque parce que nous sommes faits ainsi, nous voulons comprendre. On dit que pour sortir du traumatisme il faut donner un sens à ce qui nous arrive. Certains préfèrent ne pas y penser, ne pas penser du tout aux raisons possibles de cet attentat contre votre santé. Ils vont se concentrer uniquement sur le présent pour préparer l’avenir et c’est très bien. Cela permet de se protéger des angoisses que peuvent former ces boules de neige qui se transforment vite en avalanches de pourquoi. Il n’y a, encore une fois, ni de bonne ni de mauvaise façon de faire. Chacun va réagir en fonction de son histoire de vie, de son éducation, de sa religion aussi, de toutes les croyances qui font ce que vous êtes aujourd’hui. ».

Extrait de « Cancer : sans tabou ni trompette », publié aux éditions Wawa, 278 p, 23, 95 €

 

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